Carburant Ce qui se cache derrière la hausse
Entre les parties de poker menteur des pays producteurs de pétrole et les taxes écologiques françaises, les marges de manœuvre pour réduire la facture énergétique sont minces mais elles existent.
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Alors que les chantiers de semis et de récolte 2019 se terminent, un sujet est au cœur de toutes les conversations entre agriculteurs : le prix du carburant. Que ce soit pour le GNR (gazole non routier) utilisé pour les engins agricoles, le gazole et l’essence des voitures indispensables en zone rurale, ou le fioul pour le chauffage, toutes les factures grimpent. Le GNR a passé la barre de 1 €/l dans certains départements de l’est de la France, et un plein d’essence peut coûter jusqu’à 100 euros pour une berline.
Entre la flambée du prix du pétrole et l’augmentation des taxes, tous les voyants sont au rouge. Gouvernement, distributeurs et pétroliers se rejettent la faute. Il est temps de démêler le vrai du faux.
Le GNR n’a jamais été aussi cher : FAUX
Depuis la mise en place du GNR en novembre 2011, son prix a progressivement augmenté en suivant celui du pétrole, jusqu’en janvier 2014. Là, le montant du baril de Brent (pétrole de la mer du Nord) a dépassé 100 dollars. Mécaniquement, celui du GNR a suivi et a passé la barre symbolique de 1€/l.
Contrairement à la situation actuelle, la flambée de 2014 s’est déroulée en plein hiver, lors de la période creuse des travaux agricoles, ce qui a moins impacté les agriculteurs et les entrepreneurs. Le contre-choc pétrolier, survenu fin 2014 avec un effondrement du prix du baril de 30 % en quelques mois, a fait les affaires des agriculteurs, qui ont retrouvé un prix du GNR acceptable au moment de la moisson.
La hausse du pétrole explique celle du carburant : VRAI
Le prix du baril de brut a gagné près de 35 % en un an, ce qui se répercute directement sur le produit raffiné. Et le contexte géopolitique ne favorise pas un retour aux niveaux de prix de 2017. D’abord avec l’Opep et ses alliés qui continuent de respecter leur accord de diminution de la production, lequel leur a permis de faire remonter les cours et donc de remettre à flot leur économie. A cela s’ajoutent les tensions entre l’occident et l’Arabie Saoudite depuis l’affaire Khashoggi.
Enfin, la mise en place d’un nouvel embargo américain sur les exportations de pétrole iranien a fait craindre une flambée supplémentaire mais les dérogations accordées aux principaux clients de la République islamique, dont la Chine, ont eu l’effet inverse. Mieux, depuis le pic d’octobre dernier au-dessus de 80 dollars, qui laissait entrevoir la possibilité d’un baril à 100 dollars pour janvier 2019, le cours du brut a baissé de 20 %. La production américaine record, à la faveur de la reprise des forages de pétrole de schiste redevenus rentables avec le retour du prix du baril au-dessus de la barre de 50 $, explique ce recul. Pour le moment, la baisse du prix du baril ne s’est pas répercutée sur le carburant raffiné.
La hausse des taxes explique celle du carburant : VRAI
En France, selon l’Ufip (Union française des industries pétrolières), c’est d’abord le rattrapage de la fiscalité du gazole par rapport à l’essence qui plombe le prix à la pompe. L’augmentation graduelle de près de 3 centimes par litre et par an est prévue jusqu’en 2022. Pour alourdir la facture, la taxe carbone vient s’ajouter à l’arsenal fiscal. Selon l’Ufip, elle est équivalente à 300 €/t, soit 3,7 centimes par litre de gazole pour 2018.
Les taxes représentent plus de 50 % du prix à la pompe : VRAI
Selon l’Ufip, les taxes représentent 72 % du prix payé à la pompe, une proportion en augmentation de 157 % par rapport à 2017. En novembre 2018, pour un litre de gazole à 1,51 €, seul 0,62 € provient du carburant, contre 0,89 € pour les taxes (TVA, TCIPE). Mais c’est surtout la « taxe sur la taxe », c’est-à-dire la TVA payée sur la TCIPE qui est dénoncée par les associations d’automobilistes. Elle représente environ 15 centimes par litre et a augmenté de 11 % entre mai 2017 et mai 2018.
Certains métiers ont un carburant totalement détaxé : VRAI
C’est le cas des marins-pêcheurs. L’alignement de la taxation du carburant agricole sur celui des pêcheurs fait d’ailleurs partie des revendications de la Coordination rurale. « Il est inacceptable de faire l’avance à l’État de la TVA et de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Cela représente plus de 30 % sur nos factures de gazole non routier (GNR), les paysans n’ont pas à faire cette avance de trésorerie ! », déplore Bertrand Venteau, président de la CR87.
Le prix du GNR va encore augmenter : VRAI
Deux qualités de GNR sont disponibles : été et hiver. Le GNR hiver, commercialisé à partir du mois de novembre, présente des additifs supplémentaires qui lui permettent notamment de mieux résister au gel. Puisqu’il est additivé, le GNR hiver est plus cher. Comme chaque année, il y aura donc une augmentation du prix dès le mois de novembre.
Le prix à la pompe va encore augmenter : VRAI
Le gouvernement a demandé aux distributeurs de carburant de répercuter rapidement la baisse du prix du baril. Néanmoins, raffineurs et distributeurs disposent d’importants stocks achetés « au prix fort » et ils ne diminueront leurs prix que lorsque ces derniers seront écoulés.
En outre, dès janvier 2019, une hausse supplémentaire des taxes autour de 4 centimes est prévue.
Les nouveaux moteurs consomment plus : VRAI et FAUX
Les normes antipollution sont souvent accusées de provoquer une surconsommation de carburant. C’est vrai pour les moteurs Tier 3, moins pour Tier 4 interim et final. Néanmoins, ce que ces nouveaux moteurs ne consomment plus en GNR, ils le consomment en Ad-Blue, un autre dérivé de produit pétrolier.
Il est difficile de réduire la consommation des engins agricoles : FAUX
La plupart des chambres d’agriculture et de nombreuses FRCuma proposent à nouveau des formations pour apprendre à réduire la consommation de carburant. Des conseillers indépendants réalisent aussi des diagnostics sur les exploitations. Bien souvent, de simples ajustements de la pression des pneumatiques et du lestage sont suffisants pour gagner quelques litres par hectare.
La conduite a également un impact important sur la consommation, en particulier avec les transmissions à variation continue où le réglage du superviseur de sous-régime est primordial.
Plusieurs constructeurs, à l’image de John Deere, lancent des challenges de réduction de consommation à leurs clients avec des pleins de carburant à gagner pour les plus performants.
Il existe des solutions pour payer le GNR moins cher : VRAI
On le sait, une commande de grande quantité de GNR auprès d’un fournisseur permet de négocier les prix. Or, la capacité d’achat d’une entreprise de BTP est difficilement atteignable pour une exploitation de taille moyenne. Toutefois, se regrouper entre agriculteurs pour une seule commande permet d’atteindre de gros volumes et d’obtenir des remises substantielles.
C’est le cas du Gaec Gérardin, qui a rejoint un groupement d’achat organisé par la FDSEA des Ardennes. « En échange de l’adhésion au syndicat, notre facture est descendue à 0,75 €/l HT grâce à la commande groupée », se félicitent les associés. Les groupements d’achat risquent d’avoir du succès si les prix se maintiennent à de tels niveaux jusqu’à la sortie de l’hiver.
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